DE RETOUR SUR UNE TOURBIÈRE DE RÊVE
La tourbière de la Rouge Feigne constitue l'une des plus grandes et sauvages en son genre, dans le secteur de Gérardmer et de La Bresse (88). Elle est située au-dessus des vallées de la Vologne à l'Est et de Chajoux à l'Ouest, sous le massif dénudé des Champis, à une altitude moyenne de 1129 mètres. Ladite tourbière, humide et acide, occupe un ancien plateau d'origine glaciaire, où les conditions climatiques sont très rudes, avec des étés lourds et orageux, ainsi que des hivers très froids et neigeux. Pour cette nouvelle visite de la tourbière de la Rouge Feigne, j'ai décidé cette fois-ci, de partir depuis la station de ski de La Bresse et Hohneck, quelque part entre Le Collet et la commune de La Bresse, à proprement parler. Comparé à l'accès traditionnel depuis Lispach, cet accès se révèle beaucoup plus ardu, technique et difficile, avec en particulier, des pentes excessivement raides et surtout, des sentiers très étroits et tortueux, parfois délicats à négocier, car détrempés ...
Au terme d'une très rude et éprouvante ascension, le minuscule sentier de la croix jaune, déboule sur le plateau boisé sommital, à la limite des 1100 mètres d'altitude. La tourbière de la Rouge Feigne n'est désormais plus très loin et s'accède par un sentier très aventureux, dangereux même, puisqu'il traverse des marécages ainsi que des sables mouvants. Attention, donc, à rester sur vos gardes en permanence et à bien regarder au sol, où vous mettez vos pieds, car les risques d'enlisement sont très élevés !
Après un passage marécageux en descente, particulièrement risqué, le sentier de la croix jaune me dépose finalement à l'extrémité Est du vaste complexe tourbeux, d'où je bénéficie d'une splendide vue d'ensemble du site. À quelque 1129 mètres d'altitude, le site est coincé entre la Tête des Cerfs et la Chaume des Champis, tous deux atteignant les 1200 mètres d'altitude et présentant un environnement chaumier typique des Hautes-Vosges.
Une fois parvenu sur la tourbière, c'est un véritable choc qui se produit sous mes yeux. Effectivement, je tombe sur un environnement végétationnel très original, rare pour le massif vosgien. Je découvre entre autres, au sol, des callunes parmes, des herbes de carex, des sphaignes vertes et rouges, ou encore, des linaigrettes houppées. Cette végétation est emblématique de nos tourbières humides et acides vosgiennes.
La partie périphérique de la tourbière, bombée, est sèche et le risque de s'y enfoncer est très faible, pour ne pas dire, inexistant. La partie centrale, quant à elle, présente davantage de dangers, avec en particulier, la présence de redoutables trous d'eau. Certains d'entre eux sont à l'air libre, donc voyants et prévisibles, d'autre par contre sont cachés sous un fin couvert de sphaignes. Autant vous le dire tout de suite : une extrême vigilance sera de mise, pendant la visite des lieux, qui s'effectuera sur des tremblants inquiétants, peu rassurants ... L'enlisement constituera ainsi, votre plus grand piège !
Après avoir eu une vue d'ensemble enchanteresse sur la tourbière, je décide de pousser mon exploration plus en profondeur, en m'accroupissant au niveau du sol meuble, instable. Là, au milieu des callunes vulgaires et des sphaignes gorgées d'eau, des tâches d'un rouge écarlate interpellent immédiatement mon regard. Il s'agit de la mythique droséra à feuilles rondes, cette plante insectivore, gluante, que l'on trouve dans beaucoup de tourbières vosgiennes. Anciennement, cette plante se nomme en latin, Drosera Rotundifolia ...
Drosera Anglica : voici, après la droséra à feuilles rondes, la seconde espèce de droséra, qu'abrite la tourbière de la Rouge Feigne. Très rare, cette espèce présente la particularité de posséder une hampe florale ovale et non ronde. Elle se trouve en grande quantité, au niveau des nombreux trous d'eau sur lesquels stagnent des sphaignes vertes et rouges. Cet hybride droséracé se trouve également sur le radeau flottant de l'étang de Lispach, sis en contrebas, au niveau de la vallée glaciaire de Chajoux. Grand passionné des droséras, je suis un fervent admirateur de cet univers carnivore miniature, que recèle notre riche patrimoine naturel et sauvage vosgien. C'est pourquoi, la droséra est devenue, ma plante fétiche !
Suite de la visite, à voir, dans mon article suivant.